Sur la piste du loup…

Dans notre précédent article, où nous abordions les enjeux de la présence du Loup, nous vous proposions d’apprendre à mieux connaître «Frère Loup», cet animal emblématique et cependant mal aimé. Si pour se nourrir il s’attaque parfois aux troupeaux, le Loup n’attaque jamais l’Homme : il le craint et le fuit. Sociable et intelligent, solidaire et altruiste, le Loup est un grand timide, craintif et méfiant.

Suivez-nous sur la piste du loup…

Le Loup gris (Canis Lupus) est le plus grand des canidés sauvages. Il fut autrefois le carnivore le plus répandu sur la planète, mais craint et persécuté (chassé, trappé, empoisonné, pendu…) par l’Homme pendant des siècles principalement à cause de son goût pour les ovins et de sa mauvaise réputation, il finit par disparaître de notre territoire pendant plus d’une soixantaine d’années.

> La mort du Loup, poème d’Alfred de Vigny, lu par Gérard Philippe

A la fin du XVIIIe siècle, on estime la population de loups entre 10 et 20 000 loups en France. Chassé jusqu’à extinction dans les Alpes dans les années 1900, le Loup est revenu en France naturellement et discrètement en 1992 en traversant les Alpes depuis l’Italie. En France, on dénombre aujourd’hui moins d’un millier d’individus, principalement dans le Sud-Est. Le Loup est aujourd’hui inscrit sur la liste des espèces protégées et reste vulnérable.

Afin d’aider les bergers et les éleveurs à cohabiter avec le Loup, des mesures sont prises par l’Etat et les associations de bénévoles : formations, aides financières et humaines, subventions, indemnisations en cas d’attaque, voire autorisations de tirs réglementées.

> A propos des enjeux de la présence du Loup, notamment pour les troupeaux, lire le document «Le Loup en France» publié par l’association Ferus.

Le Loup est très présent dans l’imaginaire collectif, et de nombreuses idées fausses circulent encore : la langue française y fait référence dans nombre d’expressions…

Un froid de loup… Champion de l’adaptation

A condition de trouver suffisamment de ressources, le Loup s’adapte à son environnement. Présent en Europe (du Nord au Sud), en Amérique et en Asie, il peut vivre au bord de la mer ou en altitude, en montagne comme en forêt, sous des latitudes tempérées chaudes aussi bien que polaires.

Sa fourrure adopte aussi une densité et des teintes différentes selon son milieu de vie : blanche en Arctique, noire en forêt, grise ou fauve dans les habitats dégagés.

Le Loup adapte son alimentation aux ressources disponibles et il est capable de survivre en se nourrissant exclusivement de petits rongeurs (regarder «Never cry wolf – Un homme parmi les loups», 1983, film d’après le roman de Farley Mowat inspiré d’une histoire vraie).

Loup mexicain

Le Loup est endurant, capable de parcourir rapidement de longues distances et il parvient à traverser des zones habitées et les grandes infrastructures de transport.

Hurler avec les loups… Une vie sociale élaborée

Sociable, solidaire et altruiste, le Loup vit en groupes familiaux, appelées meutes, de huit à vingt loups mais il est à noter que les meutes françaises sont restreintes : de 4 à 10 individus. Un Loup peut espérer vivre de 8 à 16 ans. Le nombre d’individus constituant la meute se régule naturellement en fonction du territoire et des ressources disponibles.

Meute au repos

La meute s’organise autour du couple dominant «alpha» selon une hiérarchie stricte. Le comportement montre la place de l’individu au sein du groupe : les dominants se tiennent droits, queue et oreilles dressées ; les subordonnés adoptent une attitude basse, queue et oreilles baissées. Chaque membre du clan participe à la chasse et à l’éducation des louveteaux.

La meute surveille et défend son territoire. Dans les Alpes, sa superficie est de l’ordre de 150 à 300 km2. La meute en marque les limites avec de l’urine. Néanmoins, en dehors de la période de reproduction (janvier/février), les loups évitent les conflits inutiles et un loup isolé peut être accepté dans une meute étrangère.

Les loups communiquent aussi par le chant, solo ou choral, pour rassembler, signaler un danger, aussi bien que pour partager une émotion. Les hurlements peuvent s’entendre à plusieurs kilomètres à la ronde.

Ecoutez le chant du Loup…

Quand ils se retrouvent, les loups de la meute se rassemblent et manifestent leur affection en se frottant et se léchant les uns les autres.

Mère Louve, Frère Loup, Cousin gris… Des parents attentifs et attentionnés

Le Loup est un animal fidèle : les couples qui se forment durent en général toute la vie. Seul le couple dominant s’accouple et peut donner naissance aux louveteaux : cette régulation naturelle des naissances assure la pérennité de la meute tout en préservant les ressources. Cependant, tous les membres de la meute participent à l’éducation des petits : protection, surveillance, nourrissage, etc.

La gestation dure environ 65 jours et ne se produit qu’une fois par an.

Au printemps, la femelle s’installe dans une tanière qu’elle tapisse d’herbe, de mousse et de poils de son ventre pour donner naissance à cinq ou six petits de 500g, sourds et aveugles. Ils sont nourris du lait de leur mère pendant 4 à 6 semaines. La mère ne quitte ses petits que pour aller boire. Elle est ravitaillée par les membres de la meute.

Louveteaux à l’entrée de la tanière

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L’instinct maternel des louves est célébré dans de nombreuses cultures, et irait dit-on jusqu’à recueillir des petits d’autres espèces. Les histoires d’«enfants-loups», de très jeunes enfants recueillis par une meute de loups, bien qu’exceptionnelles, se retrouvent partout dans l’aire de répartition du Loup (pensons à la louve Romaine).

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Au bout d’un mois, les loupiots ont encore les yeux bleus (ils deviendront jaunes). Ils sortent de la tanière pour jouer et explorer les alentours à proximité. Leur alimentation devient peu à peu carnée : à la sollicitation des petits, les adultes (parents ou membres de la meute) régurgitent un véritable «steak haché».

Louveteau sollicitant de la nourriture auprès d’un adulte.

Après trois à cinq mois, les louveteaux peuvent suivre la meute et apprendre à chasser. L’apprentissage de la chasse commence avec de petites proies : petits rongeurs et amphibiens.

Le taux de mortalité des louveteaux est important. Sans prédation, leur survie dépendra principalement de la sécurité du territoire, de la santé de la meute et des ressources disponibles.

Vivre comme un loup… Des jeunes vulnérables

A huit mois, le jeune loup a atteint sa taille adulte : pattes longues et fines, museau fin et allongé, oreilles courtes et rondes, yeux obliques et jaunes qui reflètent la lumière dans la nuit.

Le premier hiver est toujours passé avec la meute. A l’arrivée des nouveaux petits au printemps suivant, si les ressources deviennent insuffisantes, le jeune loup peut être amené à quitter sa meute pour en trouver une autre ou en fonder une nouvelle sur un territoire libre.

Jeune loup en dispersion

Commence alors une période difficile : vulnérables et peu expérimentés, ces jeunes parcourent des espaces qu’ils ne connaissent pas, doivent chasser seuls, et se trouvent parfois confrontés aux infrastructures humaines. La mortalité des jeunes est donc importante.

Une faim de loup… Des chasseurs efficaces

Le Loup est un carnivore, cependant sa réputation de glouton sanguinaire est bien loin de la réalité.

Le Loup est un animal fin mais musclé et résistant : longueur de 1m à 1,5m pour une hauteur au garrot de 66 à 96cm et un poids de 25 à 45kg. > Apprendre à le reconnaître.

Le Loup bénéficie d’une ouïe et d’un odorat très développés – ouïe vingt fois plus fine que celle de l’Homme et odorat cent fois plus sensible que le nôtre – et c’est un coureur rapide et endurant.

S’il peut chasser en groupe des proies plus grosses que lui (principalement en hiver), il se nourrit durant la belle saison principalement de petites proies : petits ongulés (chevreuil) et rongeurs (lapin, rat, mulot, lemming, etc.) ont sa préférence. Il lui arrive de se nourrir de poissons ou d’amphibiens, et il peut se sustenter d’insectes et de fruits.

Opportuniste, il ne négligera pas un mouton bien gras et peu agile si celui-ci n’est pas protégé (il existe des solutions éprouvées pour limiter l’impact du Loup sur les troupeaux > voir en bas d’article)… ou une charogne abandonnée.

Le Loup choisit sa proie parmi les individus faibles ou malades. Le Loup est un maillon essentiel de son écosystème : par son action, il contribue à la régulation et à la bonne santé des espèces prédatées.

Le Loup ne chasse que les proies nécessaires : il ajuste ses effectifs aux ressources disponibles et ne provoque jamais la disparition de ses proies (intelligent, il sait qu’il n’a pas intérêt à vider son garde-manger…).

L‘animal est mangé en entier. Les dominants mangent les premiers. Le reste de la meute vient ensuite. Les petits et les individus affaiblis ne sont pas oubliés. Un Loup adulte a besoin d’environ 2kg de viande quotidiennement mais il peut ingurgiter plusieurs kilos de viande en un repas puis jeûner plusieurs jours.

A trop crier au loup… Comportement envers l’Homme

Animal discret et craintif, la rencontre avec un loup reste un événement rare.

En France, la peur du loup a été ancrée dans la mémoire collective par les contes et les légendes effrayantes (le Loup a été choisi comme bouc émissaire par l’église et dans les temps de famines et de guerres) – ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays où la symbolique du Loup est positive (pensons pour exemples à la Louve romaine qui recueillit Romulus et Remus ou au Frère Loup amérindien).

> Sur la symbolique du Loup et ses légendes, lire notre article précédent «Uriage en voix*… aouuuuuh ?»

Cette crainte n’a pas lieu d’être : les attaques sur l’Homme n’ont été recensées à l’époque moderne que dans des circonstances très exceptionnelles par des animaux atteints de la rage.

Frère Loup

Le Loup fuit l’Homme. Le Loup a peur de l’Homme – plus que l’Homme a peur de lui, c’est dire – par instinct, et par expérience.

La cohabitation est possible aussi avec les troupeaux : des solutions concrètes et éprouvées existent pour aider les bergers et les éleveurs > lire le document «Le Loup en France» publié par l’association Ferus.

Le Loup est craintif et intelligent : il peut donc être «éduqué» pour limiter les attaques sur les troupeaux. En revanche, les tirs mortels ne sont pas efficaces : en effet, les autres membres de la meute n’en tirent pas une expérience, la meute s’en trouve désorganisée, et le territoire devient accessible à une nouvelle meute inéduquée.

A pas de loups… Un retour timide et discret

Après son retour discret par les Alpes et avoir augmenté très progressivement, la population de loups en France stagne aujourd’hui : elle est estimée à moins d’un millier d’individus (par comparaison, il y a 1500/2000 loups en Espagne, plus de 1000 en Allemagne et plus de 3000 en Italie) et l’expansion territoriale se poursuit timidement.

Si la zone de dispersion tend à s’étendre, la zone de reproduction se limite aux Alpes, où les ressources alimentaires le permettent.

L’espèce, inscrite sur la Liste rouge des espèces menacées en France, reste donc classée «vulnérable».

A la queue leu leu…
Cette expression populaire vient d’une particularité du loup (leu en ancien français) : en hiver les loups parcourent de longues distances pour trouver de la nourriture, pour moins se fatiguer ils marchent «à la queue leu leu», posant les pattes dans les empreintes de celui qui précède.

Chorale de loups… Photo © Tim Davis/Corbis
Peut-être entendrons-nous un jour le chant du Loup dans la forêt d’Uriage, sans crainte et avec plaisir…

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Sources et bibliographie :

  • Association FERUS : Association nationale pour la défense et la sauvegarde des grands prédateurs Ours, Loup, Lynx et la cohabitation grands prédateurs / troupeaux domestiques. > télécharger la plaquette Loup.

> Retrouver Jean-Michel Bertrand et ses 6 réponses aux grandes questions sur le Loup :

Pour aller plus loin :
5 films pour tous les âges sur le Loup à voir sur SalamandreTV

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