Uriage en voix*… aouuuuuh ?

Entendrons-nous bientôt chanter les loups dans la forêt d’Uriage…?

Nous avons longtemps hésité à aborder ce sujet… car le Loup, au centre de polémiques et encore sujet de nombreux fantasmes, est aussi devenu un animal politique… En effet, aucun animal sauvage n’est aujourd’hui aussi clivant. Essayons d’apprendre à mieux connaître ce magnifique animal, et de comprendre les enjeux de sa présence, afin de construire des ponts pour cohabiter avec celui qui au fil des âges a été sélectionné pour créer le meilleur ami de l’Homme…

Canis Lupus (photo Gary Kramer)
Le Loup, ce super(be) prédateur qui nous ressemble…

Le Loup et l’Homme partagent depuis le Néolithique une longue histoire, de passion et de peur… mais aussi de rivalité et d’alliance…

Certes, le Loup (Canis Lupus) est un carnivore, un prédateur, un «super-prédateur» (ce terme désigne une espèce qui se trouve en bout de chaîne alimentaire). C’est un premier point commun avec l’Homme… et ce n’est pas le seul :

Le Loup est un animal social : il vit en «famille» – on dit «en meute» -, selon une organisation efficace et une hiérarchie stricte. Il chasse pour sa survie, migre et s’adapte à son milieu de vie, défend son territoire… et il chante, à tout âge, en solo, duo et en chœur ! Le chant, ou «hurlement», est un moyen de communiquer pour rassembler, signaler un danger, aussi bien que pour partager une émotion.

Le chant du Loup…
Compilation de chants de loups : chorale, solo, duo… et louveteaux !

Le saviez-vous ? Chez les loups, le couple dominant, désigné «alpha», est uni pour la vie. Au sein de la meute, il est le seul à pouvoir se reproduire mais tout le clan participe à l’éducation des louveteaux. Une meute peut aussi accueillir un loup étranger isolé.

Le Loup sélectionne ses proies parmi les animaux faibles ou malades : il participe ainsi à la bonne santé de son écosystème… Il régule aussi les populations d’herbivores, qui sans prédation déséquilibre le milieu forestier. Les naissances et le nombre d’individus qui constituent la meute se régulent naturellement en fonction de la quantité de nourriture disponible.

Louve grise (photo Raed Mansour)

C’est par la domestication de loups à la fin du Paléolithique supérieur, et après des générations d’individus sélectionnés et nés auprès des hommes, qu’est apparu leur «meilleur ami», le Chien. Une étude récente suggère que le Chien a pour origine deux domestications indépendantes de loups : la première en Europe il y a au moins 15 000 ans ; et l’autre, en Asie orientale, il y a au moins 12 500 ans.

Le Loup actuel est un animal sauvage, qui ne peut pas être domestiqué, au sens du dressage et de la vie contrainte. Le Loup craint l’Homme et le fuit.

Le Loup fantasmé

Le Loup fait partie des espèces «mal aimées», à tort car il est souvent mal connu et victime de la mauvaise réputation qui lui est faite depuis les temps de guerres et de famines du Moyen-Age, où le Loup a été choisi comme «bouc émissaire» par l’église.

En général, la première référence qui vient à l’esprit est «le grand méchant loup», glouton sanguinaire qui dévore les agneaux, les petits cochons, les petites filles et même les grands-mères ! Cependant, comme le fait remarquer Daniel Pennac dans L’œil du Loup : l’histoire du louveteau Maladroit dont la grand-mère louve fut tuée par un chasseur pour s’habiller de sa peau est plus vraisemblable que celle du Petit Chaperon Rouge et du loup travesti…

En effet, tout adulte comprend et reconnaît le type d’homme qui se cache sous la métaphore du loup-travesti… Ce conte traditionnel a pour objectif non pas d’apprendre à avoir peur de l’animal Loup, mais bien de répondre à une angoisse et de mettre en garde l’enfant contre l’homme mal intentionné…

Le Petit Chaperon Rouge – gravure de Gustave Doré (1862)

Le Loup est sans doute l’animal le plus présent dans notre imaginaire collectif quotidien : dans la langue française, près d’une centaine d’expressions fait référence au «loup» !

A propos de
« L’homme est un loup pour l’homme. »
(Thomas Hobbes) :

« Elle ne signifie pas que les hommes sont méchants ou mauvais par nature, mais simplement que, dans une certaine situation, leur instinct de conservation et leur peur de mourir les poussent à se défendre et à se battre. »

La Louve romaine allaitant Romulus et Remus. Musée du Capitole, Rome, Italie

Pour de nombreuses cultures à travers le monde, l’image du Loup est positive et fondatrice. Respecté, vénéré ou craint, il symbolise aussi la liberté, la force, le courage, l’intelligence, la dignité, la solidarité et l’harmonie avec la nature. De nombreuses mythologies de l’Amérique (frère Loup) à l’Asie (Loup bleu mongol) en passant par l’Europe (Fenrir, la louve romaine) valorisent ces aspects. Certaines légendes rendent aussi hommage à l’instinct maternel des louves (Romulus et Remus, Mowgli).

Loups ibériques : louve et louveteaux (photo Arturo de Frias Marques)
Le retour du Loup

Le Loup est aujourd’hui une espèce protégée. Eradiqué par l’Homme sur le territoire français au cours des derniers siècles, il est revenu naturellement par les Alpes : il a franchi discrètement la frontière italo-française – le Loup ne connaît pas nos frontières humaines – en 1992. Et depuis, son retour oblige les éleveurs et les bergers à repenser leur métier, et chacun à réfléchir et agir pour les aider à cohabiter. Car, il faut bien le reconnaître, un mouton, s’il n’est pas protégé, est une proie bien tentante, plus facile à chasser qu’un chevreuil ou un chamois !

Pour conclure cette introduction, nous vous proposons de visionner ou de lire «6 réponses sur le Loup», dialogue entre Jean-Michel Bertrand, spécialiste français du Loup dont le dernier film «Vivre avec les loups» sort le 24 janvier 2024, et Julien Perrot de la revue naturaliste La Salamandre :

#1 Pourquoi s’intéresser au loup ?

#2 Les loups sont-ils en train de pulluler ?

#3 Le loup est-il dangereux pour l’Homme ?

#4 Le loup fait-il disparaître les ongulés sauvages ?

#5 Les attaques sur les troupeaux sont-elles une fatalité ?

#6 Comment aider les bergers et les éleveurs ?

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Dans notre prochain article, nous vous proposons de vous faire mieux connaître cet animal fascinant qui revient discrètement en Belledonne. Suivez-nous sur la piste du loup…

Jeune mâle. (Photo courtesy of Oregon Department of Fish and Wildlife)

Sources :

  • Association FERUS : Association nationale pour la défense et la sauvegarde des grands prédateurs Ours, Loup, Lynx et la cohabitation grands prédateurs / troupeaux domestiques.
  • Programme PastoraLoup : programme associatif de soutien au pastoralisme en zones à loups

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* Uriage en voix est un festival de musique organisé dans le parc d’Uriage, annuel et gratuit : rendez-vous tout début septembre !

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– Le Loup et le Chien –


Un Loup n’avait que les os et la peau,
Tant les Chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau ;
Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde.
L’attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l’eût fait volontiers.
Mais il fallait livrer bataille ;
Et le Mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l’aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint qu’il admire :
Il ne tiendra qu’à vous, beau Sire,
D’être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? Rien d’assuré ; point de franche lippée ;
Tout à la pointe de l’épée.
Suivez-moi ; vous aurez bien un meilleur destin.
Le Loup reprit : Que me faudra-t-il faire ?
Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis ; à son Maître complaire ;
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons ;
Os de poulets, os de pigeons :
Sans parler de mainte caresse.
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant il vit le col du Chien pelé.
Qu’est-ce là, lui dit-il ? Rien. Quoi rien ? Peu de chose.
Mais encor ? Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
Attaché ? dit le Loup, vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? Pas toujours ; mais qu’importe ?
Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte ;
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor.
Cela dit, Maître Loup s’enfuit, et court encore.

– Jean de la Fontaine, Fables (1668)

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