L’église Saint-Sauveur d’Uriage

Les rares visiteurs du château d’Uriage sont loins de se douter qu’il existait au XIe siècle, dans ce qui est actuellement une parcelle boisée du jardin du château, un bâtiment central de la vie quotidienne du château et de ses environs, à présent disparu.

De la fin du Xe siècle jusqu’à la fin du XVIe siècle, l’église Saint-Sauveur était la chapelle castrale, qui servait d’église au bourg situé à l’intérieur des remparts, au château ainsi qu’à ses dépendances immédiates (fermes et moulins)1. Elle était située en contrebas immédiat de la façade nord-ouest de « châteauvieux », où l’on peut toujours voir quelques tas de pierres ayant probablement appartenu à cette chapelle.

Sous les broussailles: des pierres brutes et taillées, restes d’un ancien bâtiment dans le jardin du château (2021).
Photo: CC0 / P-E Largeron

À partir de l’installation de la famille Alleman, cinq paroisses se divisent le mandement d’Uriage: Saint-Sauveur au château, Saint-Jean à Villeneuve d’Uriage, Saint-Martin (le patron des Gaules) au bourg, Saint-Nizier (influence lyonnaise) au lieu-dit du même nom et Saint-Ferréol (ancien évêque de Grenoble) au Pinet. Celle du château est la première d’entre elles, et certainement l’une des plus anciennes du diocèse de Grenoble2.

La dédicace au « Saint-Sauveur » est assez inhabituelle de nos jours en Isère; elle témoigne en fait d’une pratique héritée du haut moyen-âge: parmi les églises et cathédrales européennes encore debout et dédiées au « Saint-Sauveur » nombreuses sont celles qui prédatent le XIIIe siècle (Aix-en-Provence, Bruges, Saragosse, Chirac, Castelsarrasin, Vabres-l’Abbaye, Draguignan, Crestet, etc.).

Au début du XIe siècle, la réforme religieuse de cet ensemble est confiée, par les seigneurs d’Uriage, à l’Abbaye Saint-Chaffre du diocèse du Puy-en-Velay, à l’époque l’une des capitales religieuses de l’Occitanie.

Pour témoin, cette « église » est mentionnée en 1100 par le pouillé de l’évêque Hugues de Grenoble. En 1179, son appartenance à l’Abbaye Saint-Chaffre est confirmée par une bulle papale d’Alexandre III. Sa dépendance est alors logiquement au prieuré de Saint-Nizier d’Uriage.

L’église est de nouveau mentionnée lors d’une visite pastorale de l’évêque Jean II de Chissé, en 1340. Puis elle est élevée en paroisse en 1469.

Au XVIIe siècle, le bâtiment a disparu sans que l’on en connaisse la raison précise – les guerres de religions du siècle précédent ont fortement affecté le Dauphiné et la famille Allemand. En 1672, lors de sa visite, l’évêque Le Camus écrit: « il y avait autrefois près du château, la chapelle ou église paroissiale de Saint-Sauveur, mais tout a été démoli. »

Il est très probable que l’âge d’or de cette petite église fut aussi celui de la famille Alleman – c’est à dire au tournant du XVIe siècle, entre la guerre de Cent Ans et les guerres de religions.

Pour preuve: un magnifique bénitier monolithe en pierre de taille de la deuxième moitié du XVe siècle ou du début du XVIe siècle, orné de sculptures en forme de cœurs et de trèfles et ayant appartenu à cette église, est à présent visible à la chapelle Saint-Luc d’Uriage3. C’est l’unique vestige de cette époque faste.

Le conte de Saint-Ferriol (à l’origine de l’essor de la station thermale dans les années 1840), l’aurait sorti du château pour l’installer dans la nouvelle chapelle dès sa construction.

Bénitier de l’ancienne église Saint-Sauveur du château; à la chapelle Saint-Luc d’Uriage (2021).
Photo: CC0 / P-E Largeron

L’église Saint-Sauveur était entourée de son cimetière, attesté par les nombreux ossements retrouvés au XXe siècle, lors de son occupation par l’armée (1940-1977) puis sa réhabilitation en logements (1977-1992).

Texte sous licence libre CC0

Sauf mention spéciale, images libres de droits

Références:

  1. Murienne, G. Dumolard-Murienne, M-F Louchet & M-J Chaléat: Le château d’Uriage, 1000 ans d’histoire. Chapõ Public Editions (2006).
  2. Royer, Louis: Chartes de franchises du bourg d’Uriage. Revue Historique De Droit Français Et Étranger (1922-), vol. 6, no. 2, 1927, pp. 254–276. [Lire en ligne]
  3. Fiche de la chapelle Saint-Luc d’Uriage, Office de tourisme et thermal d’Uriage. [Lire en ligne]

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