20 000 lieues sous… Belledonne : Prosper-Antoine Payerne, inventeur oublié du premier sous-marin…

Le docteur Prosper-Antoine Payerne, né le 27 février 1806 à Theys, joli bourg du Balcon de Belledonne entre Uriage et Allevard, et décédé le 11 avril 1886 à Cherbourg, fut un médecin, pharmacien et ingénieur de génie isérois : en dépit de ses racines montagnardes, on lui doit l’invention du sous-marin et le projet de tunnel sous la Manche !

Fils de Marie-Anne Peyronnard et François Payerne, il est élevé dans une famille relativement aisée d’aubergistes devenus propriétaires, au cadre strict : son éducation est fondée sur la culture, les arts, les sciences et la religion. Durant sa jeunesse, il réside au Château Payerne à Theys. Il fait ses études au lycée de Grenoble et obtient son baccalauréat à 16 ans en 1822. Suite à de brillantes études de médecine et de pharmacie effectuées à Lyon et Montpellier, il sort médecin et pharmacien chimiste de première classe en 1830, puis ouvre son cabinet rue Très-Cloîtres à Grenoble.

Peu à peu, suite à sa thèse sur le système respiratoire humain, il s’intéresse au système de respiration en milieu confiné. Plus passionné par la recherche que par la médecine traditionnelle, il décide d’y consacrer une partie de ses activités.

Sa première invention fut… la bougie, qui vint heureusement remplacer les quinets fumeux et les chandelles nauséabondes. Malheureusement, le docteur négligea d’en déposer le brevet… et se fit « dépouiller » du bénéfice de sa trouvaille.

En 1840, il décide de monter s’installer à Paris pour se consacrer entièrement à la recherche pure. Ses études se focalisent alors sur les moyens de purifier et régénérer l’air vicié en milieu confiné, et sur le monde sous-marin. Il s’intéresse aux travaux réalisés par Robert Fulton, scientifique américain, qui avait construit un prototype de sous-marin mais inutilisable par son absence de système de régénération de l’air à l’intérieur de l’engin qui le clouait immobile au fond de l’eau. Il met d’abord au point une « cloche à plongeurs ». Ne trouvant pas de soutien financier en France, il part en 1842 en Angleterre où la marine passionne. Entre octobre 1841 et mai 1842, P. Payerne avec l’ingénieur et général Paisley mettent au point pour la East & West Indian Company un appareil actionné par une manivelle permettant d’absorber le gaz carbonique grâce à de la chaux et de régénérer l’air en oxygène par l’utilisation du superoxyde de potasse ou de manganèse. Les essais réalisés à l’Institut polytechnique de Londres concluent à une autonomie de respiration de trois heures, puis de sept heures. Dans la rade de Spithead, ils atteignent la profondeur de 26 mètres sans incident.

Très intéressée par ses travaux, l’Angleterre lui propose de prendre la nationalité britannique… Ce Français dans l’âme décline et revient à Paris où, auréolé de ses succès à Londres, il trouve désormais des partenaires. Il dépose à la préfecture de Cherbourg, le brevet d’invention pour une « cloche hydraulique ». Il consacre ensuite une partie de sa fortune à la réalisation de ce projet fou et surréaliste : il met au point le premier submersible en 1844.

C’est ainsi que le matin du 20 avril 1844, les Parisiens découvrent une étrange machine de forme cylindrique à la surface de la Seine. Une foule de spectateurs est présente pour observer cette révolution scientifique. Prosper-Antoine Payerne ainsi que Monsieur Poirée, délégué du ministre des travaux publics, s’immergent dans le prototype Le Belledonne durant trois heures sans le moindre apport d’air extérieur. C’est une réussite.

En juin 1846, Le Belledonne, dirigé par deux gouvernails et propulsé par une hélice à énergie humaine, se déplace dans les eaux de la Seine devant vingt mille personnes enthousiastes rassemblées sur l’esplanade des Invalides.

« Construit en tôle (en fer et fonte) de sept millimètres d’épaisseur, en forme d’ellipse assez rapprochée de la forme d’un oeuf, qui aurait pour diamètre neuf mètres de l’arrière à l’avant, et de deux mètres quatre-vingt dans sa plus grande section transversale, il pesait dix mille kilos. Trente orifices étaient percés dans la tôle, vingt-six d’entre eux, de quatorze centimètres de diamètre, étaient fermés par des lentilles en verre hermétiquement scellées ; les quatre autres étaient des trous d’hommes de quarante centimètres de diamètre; l’un servait d’entrée et de sortie à l’équipage, les trois autres placés à la partie inférieure servaient de communication avec le sol au fond des eaux, tous pouvant se fermer hermétiquement… » (d’après une petite brochure intitulée « Un grand coeur, un grand savant » écrit par un de ses petits-enfants).

Prototype du Belledonne

Le bateau sous-marin est présenté à l’exposition industrielle de 1849 à Paris.

A partir de 1851, le docteur Payerne travaille comme ingénieur maritime dans le port militaire de Chantereyne à Cherbourg-En-Cotentin (Manche). Durant quelques années, Le Belledonne vogue de Paris à Brest pour servir à l’extraction d’un rocher granitique et au creusement d’un chenal puis sur d’autre sites à Cherbourg, au Havre, à Fécamp, à Bordeaux. Le futur Napoléon III monte à bord, incognito (seul P. Payerne en est averti) lors d’une visite à Cherbourg. Ravi, il décore l’ingénieur de la Croix de la Légion d’Honneur et promet une aide financière afin de mettre au point Le Belledonne II mais ces promesses restent sans lendemain. Malgré cela, P. Payerne dresse des plans et dépose un nouveau brevet pour un submersible plus perfectionné.

La littérature maritime est en plein essor et les travaux de Prosper-Antoine Payerne sont suivis par de célèbres écrivains tels que Jules Verne, comme le prouve la documentation du musée de Nantes.

En outre, en 1852, Prosper-Antoine Payerne élabore un projet de tunnel sous la Manche reliant Calais à Douvres ! Cette entreprise, rendue envisageable grâce à ses submersibles, est évaluée au prix de 240 millions de francs-or et consiste à construire une chaussée de 33 km de longueur pour 17 mètres de largeur et de 4 mètres de hauteur au fond de la Manche qui laisserait passer une double rangée de rails protégée par un système d’empierrement. L’ingénieur affirme que ce travail peut être effectué en quatre années par quarante sous-marins comme son prototype Le Belledonne. Le projet est soutenu par le gouvernement de l’époque mais est abandonné faute de solutions techniques face aux problèmes d’étanchéité. Il ne sera réalisé qu’un siècle plus tard.

Bien que son génie soit largement reconnu, Prosper-Antoine Payerne tombe mystérieusement dans l’anonymat. A partir de 1863, il vit une vie simple et subsiste grâce à son diplôme de pharmacien et médecin. Durant l’épidémie de choléra qui touche Cherbourg et le Cotentin à partir de novembre 1865, le docteur Payerne reprend ses fonctions de médecin pour venir en aide aux habitants. Il décède accidentellement à Cherbourg après une chute dans l’escalier de sa maison le 11 avril 1886.

Son village ne l’a pourtant pas oublié :

Plaque commémorative apposée sur sa demeure natale à Theys (Isère).

Une plaque commémorative à son effigie est apposée sur le mur de sa résidence natale à Theys et son nom a été donné à une rue et à un espace boisé. Une autre plaque se trouve à Cherbourg.

Sources :

  • « Le Dauphiné insolite » de Claude Muller
  • Wikipédia, article « Prosper-Antoine Payerne »

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