Le sauvetage du château

Il est une période peu connue du château d’Uriage : celle de sa restauration et de sa transformation en appartements par Mme Giselle Guirette Templeton et son fils à partir de la fin des années 1970.

En effet, le vaisseau de pierre qui se dresse sur le rocher d’Uriage fut un jour en péril d’abandon. Le château ayant passé la Seconde guerre mondiale sans encombre majeur (grâce à son occupation continue par les écoles de cadres successives jusqu’en 1947), il se trouve abandonné alors que l’ENA parisienne remplace peu à peu les quelques écoles de formation des hauts-fonctionnaires implantées précédemment par l’État français en régions.

Le rendez-vous manqué

Cheminées emportées, peintures passées à la chaux, collections disséminées depuis longtemps, végétation reprenant ses droits sur l’enclos et les jardins, rien ne semble alors rappeler les fastes et l’activité du siècle précédent, toujours présents jusque dans les années 1930.

À l’issue de la guerre en 1947, l’Armée propose le château pour un Franc symbolique à la commune. Le conseil municipal refuse alors cette acquisition, étant pris de court quant à un projet communal pour son aménagement, craignant un endettement inconsidéré quant à la remise en état de la bâtisse et ne disposant pas encore des recettes des principales entreprises actuelles d’Uriage.

Dans les années 1950 l’Armée fait refaire l’ensemble des toitures endommagées durant la guerre (encore visibles aujourd’hui) et c’est peut-être à ce moment que disparaît la boule de plomb qui ornait la flèche du donjon et qui contenait un « morceau de la Vraie Croix » (probablement apporté de « Terre Sainte » par un ancêtre Alleman lors d’une croisade).

C’est le 23 septembre 1978 que le château d’Uriage est mis aux enchères publiques par les Domaines et que Gisèle Templeton rachète la propriété pour la somme de 620 000 Francs français. Elle a l’intention de lui redonner son lustre d’antant et son cadre de verdure approprié, tout en effectuant une opération immobilière rentable. Mais ses aventures administratives ne font alors que commencer… car bien que personne n’ait osé d’action alternative avant elle, son projet est très discuté, voire contesté.

Le promoteur

Certains fonds des Templeton étant bloqués à l’étranger, le château est saisi en 1983 par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance des Bouches-du-Rhône : enchères publiques le 18 octobre 1983 pour la somme de 500 000 Francs. Cette adjudication reste infructueuse et il faut alors, pour les Templeton, trouver un moyen de se débarrasser de cette dette.

Le château est acquis « à réméré » (probablement en 1984) par la société immobilière SOREPRIM, dirigée par M. Gérard Fauchon. Il dépose le 7 janvier 1985 une demande de permis portant sur 48 studios. Cette demande est refusée par les Domaines de l’Etat le 3 septembre 1985 ; motif : création de vélux sur les toitures.

Dans ces conditions, M. Fauchon revend le château à Mme Templeton la même année. Voici comment la propriétaire s’exprime dans une lettre aux Affiches de Grenoble et du Dauphiné publiée le 11 octobre 1985 :

« Laissé à l’abandon par l’Etat durant de nombreuses années avant que je n’en devienne propriétaire, le château d’Uriage a été pillé, saccagé, endommagé. Grâce à ma constante vigilance, ce fantastique monument de l’histoire du Dauphiné est jalousement gardé de manière à le protéger des atteintes inconsidérées venues de l’extérieur, des multiples agressions et des déprédations de toutes sortes. Ainsi, la fière devise ‘Cave Canem’, gravée dans le marbre du seuil de la prestigieuse demeure des seigneurs Alleman, reprend tout son relief, sa vigueur et son actualité. »

En effet, la bâtisse fut gardée pendant quelques années par les chiens patous de Mme Templeton.

Mme Templeton, avec l’un de ses chiens, qui fut plus tard empoisonné. Photo: Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné / Bibliothèque de Grenoble
Permis de construire

Elle présente le 18 octobre 1986 une demande de permis portant sur 24 studios. Demande refusée le 4 mars 1987 ; motif : accès difficile.

Entre temps, le déblayage intérieur du château continue en vue de l’aménagement final en appartements dès qu’une autorisation aura été accordée. C’est Mme Templeton et son fils, assistés d’artisans locaux, qui entreprennent ce chantier. Mme Templeton et son fils logeaient au château qui ne disposait plus d’eau courante ni d’électricité depuis sa vente par l’Armée. Alors, au milieu des décombres et du chantier, ils trouvaient parfois refuge à l’hôtel Institut, rue Barbillon à Grenoble, pour de l’eau courante, une nuit au chaud et une compagnie aimable.

Fin mars 1988, le préfet de région Gilbert Carrère alerte sur l’état du château en convoquant à Lyon la Commission régionale pour le patrimoine historique, archéologique et ethnologique (COREPHAE)*.

Entre début 1988 et l’été 1989, la propriétaire présente trois demandes de permis en Mairie de Saint-Martin-d’Uriage:

– 31 mars 1989 (pour aménagement intérieur)

– 20 septembre 1988 (garages en sous-sol)

– 12 juillet 1989 (ravalement et ouverture dans le porche d’entrée)

Demandes toutes refusées.

En-tête de courrier utilisé par les Templeton.

Le 10 octobre 1989, en vertu de son pouvoir révocatoire, le Préfet de l’Isère, M. Proust, accordait les permis sus-mentionnés. Les travaux reprennent.

Le 28 janvier 1990, suite à un constat d’huissier, le Maire de Saint-Martin-d’Uriage prend un arrêté de fin de travaux pour création illégale de lucarnes sur les toitures.

Après son inscription partielle en 1988, le château fut classé Monument historique par arrêté du 6 février 1990 pour ses façades, toitures ainsi que son orangerie.

C’est Gisèle Templeton et son fils qui s’occuperont personnellement de la vente au détail des lots ; ainsi l’on peut trouver, à partir de 1991, des annonces immobilières pour les appartements du château d’Uriage jusqu’en Amérique du Nord :

Une fois leur œuvre achevé à Uriage, les Templeton s’occupèrent du château d’Herbeys, lui aussi transformé en appartements.


Texte sous licence libre CC0

Sauf mention spéciale, images libres de droits


Sources:

Notes de commission sur les procédures au château d’Uriage (1978-1990). [Lire en ligne]

Note chronologique des événements au château d’Uriage (1978-1991), commission extra-municipale. [Lire en ligne]

Article: À propos du château d’Uriage, journal Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné, 11/10/1985. [Lire en ligne: pp.1, 2]

* Bruno Le Prat: Uriage vise la vie de château, Lyon Figaro, 4 avril 1988, p.4-5 [source en ligne]

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