Dracones in Urentes Aquae : des Dragons à Uriage !

Lors du chantier de réhabilitation de l’ancienne serre du château, réalisé durant l’été 2018, la découverte d’une dent fossilisée a attiré l’attention de la communauté scientifique.

La dent découverte mesurait plus de 30cm.

Le Museum d’Histoire Naturelle de Grenoble, contacté pour expertiser la découverte, a conclu à une dent de … dragon !

Des recherches ont aussitôt été engagées dans les Archives Départementales, qui conservent aujourd’hui toutes les archives du château d’Uriage. Il est fait mention dans le pouillé de Saint-Martin que le Sieur Alemanus convoqua le ban en son mandement d’Uriage en l’an 1104, effrayé par l’ombre d’une « diablerie flambergeante ayant ailes pertuisées et queue espineuse». Le fameux dicton populaire dauphinois « Gare à la queue des Alleman » s’éclaire ainsi d’un sens nouveau…

Une enluminure sur ce manuscrit du XIIe siècle a particulièrement retenu l’attention des chercheurs : elle représente le Dragon menaçant sur le toit du château d’Uriage.

Enluminure du XIIe siècle représentant le Dragon sur le toit du château d’Uriage. La végétation semble indiquer que l’évènement a probablement eu lieu durant l’été de l’an 1104.

Une gravure anonyme postérieure, datant probablement du XVIIe siècle (comme le laissent supposer l’aspect Renaissance du château et le costume des personnages), aussi retrouvée dans les archives, aurait conservé la mémoire de cet évènement :

Gravure (date inconnue) montrant le dragon prenant contrôle du château. Sur le chemin au premier plan, deux villageoises venues imprudemment admirer la bête à longue queue. Depuis ce temps, les ardoises du château sont solidement clouées individuellement, de façon à éviter que des écailles plus dures les arrachent.

La gargouille très endommagée et les deux « boulets » de pierre enchâssés dans la tourelle Sud-Est pourraient aussi attester de cet évènement… mais le mystère de ces étranges éléments architecturaux reste à ce jour entier.

La mystérieuse gargouille de la tourelle Sud-Est et ses deux étranges « boulets » commémoreraient-ils la bataille livrée contre le Dragon ? Notons aussi que la tête coupée d’un Dragon aurait le pouvoir de protéger la maison qui l’arbore…

Rappelons par ailleurs que les armoiries du Dauphiné arborent fièrement Saint Georges terrassant le Dragon, et que lors du « transport » du Dauphiné à la France en 1349, Humbert II remit au futur Charles V les insignes du pouvoir delphinal parmi lesquels la bannière de Saint Georges éclaboussée du sang du Dragon. * > lire « Les Seigneurs d’Uriage (1) : des origines au XVIIe siècle »

Ces découvertes semblent donc bien prouver qu’un dragon, peut-être le dernier de son espèce connu en France, fut présent sur le site d’Uriage durant la période médiévale, attiré sans doute par les vapeurs soufrées des sources thermales et les cristaux de l’Oisans voisin. Nul ne sait s’il a toujours descendance dans une des nombreuses grottes des environs…

Chaque nouveau séisme ravive aussi la légende selon laquelle un dragon serait emmuré dans les souterrains… Suite à celui du 11 novembre 2019, plusieurs témoins auraient senti durant quelques jours des émanations soufrées dans les couloirs du château…

A l’heure actuelle, les recherches se poursuivent.

A dragon – The Illuminated Books of the middle ages (1844-1849) by Owen Jones.

Sources : Archives Départementales, section « Château d’Uriage »

* « Histoire du Dauphiné et des princes qui ont porté le nom de Dauphins », de Jean-Pierre Moret de Bourchenu Valbonnais, chez Fabri et Barrillot, Genève, p.602

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Joyeux Dragon d’Avril !

A la suite de cet intermède fantaisiste, nous vous proposons de vous pencher sur la figure historique du Dragon car en effet, dans nombre de bestiaires médiévaux et d’ouvrages de la Renaissance, les dragons étaient présentés comme des créatures bien réelles.

Et aujourd’hui, les dragons fascinent toujours…

Le dragon (du grec δράκων) est une créature légendaire représentée comme une sorte de gigantesque squamate (serpent ou lézard géant) ailé, protecteur bienfaisant ou maléfique de trésors (source, perle, joyaux), que l’on retrouve dans de nombreuses mythologies à travers le monde.

Smaug (Le Hobbit – JRR Tolkien) par Justin Gerard

Cet animal mythique, connu depuis l’Antiquité, figure au nombre des grandes constellations, visible toute l’année au cœur de notre ciel. Autrefois, la Petite Ourse faisait partie du Dragon, dont elle constituait l’aile.

Selon les cultures, le Dragon est tantôt associé à des valeurs positives, tantôt aux pires penchants. Quelle que soit son origine, à la mort du Dragon, les différentes parties de son corps sont réputées pour leurs vertus curatives et protectrices.

Dans l’Occident médiéval chrétien, le Dragon ne peut pas se départir de l’allégorie négative que lui attribue la Bible : il est associé au Diable et à l’Apocalypse. Dans les bestiaires, il peut prendre des formes très variées.

> Pour apprendre à mieux connaître les dragons des bestiaires médiévaux, écoutez le podcast Passion Médiévistes « Ombeline et les dragons – Episode 2 et épisode 2bis ».

La dracologie se donne pour objectif principal de « classifier et étudier toutes les espèces de dragons ». Elle permet aussi d’étudier les possibilités d’existence biologique du dragon sur Terre. Un excellent docu-fiction britannique « Dragons : et s’ils avaient existé… » (Dragons’ World: A Fantasy Made Real, 2004), financé par la BBC et Discovery Channel, présente certaines hypothèses.

Le Museum National d’Histoire Naturelle a accueilli en 2006 une exposition temporaire sur les dragons, en les présentant comme des créatures « entre science et fiction »…

Les origines de ces mythes universels sont encore controversées. Certaines hypothèses font remonter le mythe des Dragons à la découverte des premiers ossements de dinosaures, ou bien à la peur ancestrale des «reptiles». En Europe, on pense que le Protée, fragile animal cavernicole bien réel, a pu être considéré comme la larve de grands dragons. Vous pouvez en admirer dans notre région en visitant la très belle Grotte de Choranche (Vercors).

Protée (Proteus anguinus)

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Auteur : Céline Garrel

Drilles et co-auteurs du canular dragonesque : Merci à Pierre-Emmanuel Largeron et Hélène Larme, copropriétaires du Château d’Uriage, pour leurs contributions complices.

Drille et co-illustrateur du canular dragonesque : Merci à Patrick Larme pour sa contribution illustrée aux Archives Départementales : « Manuscrit du XIIe siècle » et « Gravure du XVIIe siècle » !

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